Le traitement thermique T6 inadapté à la fusion laser ?

Le congrès 3D Print & Exhibition vient de fermer ses portes à Lyon, à cette occasion les visiteurs ont pu déambuler dans les allées du plus gros congrès français dédié à la fabrication additive. L’occasion idéale de rappeler les spécificités du procédé avant que ces professionnels de l’Industrie ne succombent les yeux fermés aux sirènes de la fabrication additive. Parmi les particularités de ces procédés qui représentent à coup sûr le futur de notre industrie on retrouve la nécessité d’adapter des traitements thermiques aux pièces issues de ces nouvelles méthodes de fabrication.

Aujourd’hui, il est en effet largement admis que la majorité des procédés de mise en forme de matériaux métalliques implique l’utilisation de traitements thermiques pour répondre à la multitude de problématiques qu’ils génèrent. En effet il est parfois nécessaire de réaliser une relaxation des contraintes résiduelles après la mise en forme (détensionnement), de réduire (voir d’éliminer) l’anisotropie de la structure des grains ainsi que celle des caractéristiques mécaniques ou encore de durcir la matière par précipitation structurale. Sans parler du compromis à faire entre les valeurs de résistance mécanique (Rm), de limite élastique (Rp0.2) et d’allongement à la rupture (A{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}).

On retrouve ces mêmes problématiques dans le cadre de la fusion laser sur lit de poudre. De manière générale, tous les procédés de fabrication additive métallique sont concernés. Cependant ces derniers donnent naissance à des structures métallurgiques différentes de celles des procédés de mise en forme « classiques » comme l’usinage et la fonderie. Cet élément est à prendre en compte puisqu’il implique une adaptation des traitements thermiques.

Des structures métallurgiques différentes qui impliquent une adaptation des traitements thermiques

Détentionnement éprouvettes dans un four pour traitement thermique

Un sujet d’étude du programme SUPCHAD

 

L’adaptation des traitements thermiques aux spécificités de la fusion laser est l’un des sujets d’études du programme SUPCHAD.

Ce programme de R&D collaborative nous permet désormais de vous conseiller sur le traitement thermique le plus adapté à vos applications.

 

 En savoir plus

 

Les alliages d’aluminium les plus utilisés en fusion laser sur lit de poudre proviennent de la famille 40000. Cette famille contient des alliages tels que l’AlSi12, l’AlSi10Mg, l’AlSi7Mg0.6 ou encore l’Alsi9Cu3. Ceux-ci contiennent une faible quantité de magnésium qui, couplé avec le silicium en excès, permettent un durcissement structural grâce à un traitement thermique adapté. Or c’est là que réside le cœur de la problématique, l’adaptation des traitements thermiques aux spécificités de la fusion laser.

Les pièces obtenues par fusion laser présentent en effet des structures métallurgiques particulières qui leur offrent des caractéristiques mécaniques généralement plus élevées que celles des produits issus de coulée. Cela s’explique par des tailles de grains et de dendrites qui sont plus fines, par un niveau de précipitation structurale différent et par un refroidissement très rapide qui donne naissance à une solution solide d’aluminium sursaturée. De plus, la température du plateau de fabrication et la stratégie de fabrication employée ont également des effets non négligeables sur la structure métallurgique, sur les contraintes résiduelles et sur les caractéristiques mécaniques des pièces brutes de fusion.

La connaissance et la compréhension de toutes ces spécificités apportent de nouvelles données qui permettent la mise au point de gammes de traitements thermiques efficientes comme c’est d’ores et déjà le cas pour les pièces issues de coulée. En effet, tous les alliages de la famille 40000 sont mis en œuvre par coulée grâce à des procédés de fabrication qui sont largement utilisés et maîtrisés. Si bien qu’il existe plusieurs gammes de traitements thermiques qui permettent de choisir différents compromis de caractéristiques mécaniques en vue d’une utilisation particulière. Or dans le cadre des procédés de fabrication novateurs comme le sont ceux de la fabrication additive métallique, le niveau de connaissance n’avait jusqu’alors pas permis d’élaborer de telles gammes de traitements thermiques. Les choses changent et petit à petit les traitements thermiques sont adaptés aux spécificités métallurgiques des pièces obtenues par fusion laser sur lit de poudre, avec en ligne de mire l’application visée.

Les traitements thermiques ou l’art du compromis

Dans l’état brut de fusion, les caractéristiques mécaniques élevées sont dues en partie à la finesse de la structure, or le recours à un traitement thermique génère un grossissement de celle-ci, ce qui occasionne donc une baisse des caractéristiques mécaniques. De plus l’utilisation d’un traitement thermique peut avoir pour effet de durcir le matériau par précipitation structurale. L’intérêt est donc de trouver un compromis entre la finesse de la microstructure et la taille/le nombre de précipités au sein du matériau pour obtenir des propriétés mécaniques optimales.

De manière générale et comme pour les autres procédés de fabrication de pièces métalliques, il est possible d’effectuer une étude qui déterminera quel est le traitement qui offre le compromis adéquat pour l’application visée en jouant sur les valeurs de Rm, de Rp0,2, d’A{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}, sur l’anisotropie des caractéristiques mécaniques et sur la détente des contraintes résiduelles.

L’exemple du traitement T6

Le traitement T6 (mise en solution, trempe et revenu) est généralement pratiqué sur les alliages de la famille 40 000. L’étape de mise en solution permet, comme son nom l’indique, de mettre en solution les éléments d’alliages. Le refroidissement rapide lors de la trempe maintient la solution solide en sursaturation tandis que le revenu occasionne un durcissement structural homogène par précipitation des éléments d’alliages en sursaturation.

Ce traitement doit être utilisé avec précaution sur des pièces issues de fusion laser sur lit de poudre puisqu’il ne produit pas systématiquement une amélioration des caractéristiques mécaniques. En effet pour l’AlSi10Mg, la dureté du matériau est plus faible suite à un T6 en comparaison avec l’état brut de fusion. On constate également la présence de polyèdres de silicium suite à la mise en solution. Ces polyèdres ont une influence sur les caractéristiques mécanique de l’alliage. Chose impossible lorsque la pièce est obtenue avec les procédés de fabrication traditionnels puisque l’on ne constate pas la présence de ces polyèdres de silicium à la suite à la mise en solution.

Le cas du traitement T6 n’est pas unique et il démontre l’importance de ne pas appliquer machinalement les traitements thermiques « standards » sans compréhension de leurs influences sur la métallurgie et sans étude préalable. Par « standards » on fait référence aux traitements thermiques utilisés sur les matériaux mis en œuvre avec les procédés de fabrication traditionnels.

observation polyèdre silicium suite à un traitement thermique

Observation au microscope électronique à balayage de polyèdres de silicium

Les traitements thermiques des fabricants de machines

Les traitements thermiques proposés par les fabricants de machine concernent le détensionnement (300°C – 2H chez SLM, EOS, Renishaw, 240°C – 6H chez Concept Laser) de la matière. L’objectif est bien entendu de limiter les déformations résiduelles des pièces suite à leur découpe du plateau de fabrication. Toutefois, pour les alliages d’aluminium en plus de la réduction des contraintes résiduelles, les détensionnements proposés réduisent l’anisotropie des caractéristiques mécaniques, diminuent les valeurs de Rm, de Rp0,2 et augmentent la valeur d’A{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}. Cela ne fait que confirmer l’importance d’étudier au cas par cas les traitements thermiques afin de soumettre les pièces obtenues par fabrication additive à des traitements adaptés.

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L’écrouissage critique des alliages d’aluminium

Durcissement des alliages d’aluminium

Les durcissements par écrouissage ou structural permettent une augmentation des caractéristiques mécaniques des alliages : résistance à la traction (Rm), limite d’élasticité (Rp0,2{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}) et dureté. Il s’accompagne d’une diminution de l’allongement (A{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}) entraînant une perte de ductilité de l’alliage. Le choix entre durcissement par écrouissage et durcissement structural s’effectue en fonction de la famille d’alliages d’aluminium à traiter.

Le durcissement dit « structural » est obtenu grâce à la formation par précipitation d’une multitude de composés chimiques à l’issue d’une gamme de traitements thermiques. Lors de l’application d’une contrainte mécanique, la présence de ces précipités gêne la déformation plastique entraînant ainsi l’augmentation des caractéristiques mécaniques.

Ce mode concerne 3 familles (ou séries) d’alliage : Aluminium-Cuivre (série 2000), Aluminium-Magnésium-Silicium (série 6000) et Aluminium-Magnésium-Zinc (série 7000).

Le Durcissement par écrouissage

L’écrouissage est l’évolution des propriétés et de la microstructure d’un matériau cristallin lorsque sa structure interne subit une déformation plastique. Il en résulte un durcissement par la multiplication de défauts dans la maille cristalline (dislocations). Les procédés de déformation à froid comme le laminage, l’étirage, le tréfilage, ou des mises en œuvre par pliage ou chaudronnage produisent ce type de durcissement.

L’écrouissage de l’aluminium apporte une déformation de la matrice, qui stocke une petite partie de l’énergie (entre 2{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661} et 10{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}), sous forme de défauts de maille. La densité et la distribution de ces défauts forment une sous-structure cellulaire et entrainent des hétérogénéités plus importantes dans la distribution des mailles défectueuses, appelées « bandes de déformation » et formant des emplacements privilégiés pour initier une recristallisation.

Traitement thermique après écrouissage : Le recuit

Lors de la mise en forme par déformation plastique d’une pièce en alliage d’aluminium, l’écrouissage généré entraîne une perte de ductilité de l’alliage. Afin de poursuivre la mise en forme sans décohésion du métal, il convient de restaurer un certain niveau de plasticité, opération obtenue grâce au recuit. On distingue deux types de recuits :

  • le recuit de restauration : il présente une macrographie dans laquelle le motif et l’orientation des grains sont en grande partie conservés par rapport à l’état écroui. L’adoucissement des propriétés est assez peu marqué, le grossissement des grains est très faible voire inexistant. Les recuits de restauration correspondent à un perfectionnement du réseau du métal écroui.
  • le recuit de recristallisation : Ce recuit à très haute température se caractérise par l’apparition progressive de nouveaux cristaux orientés différemment de ceux du motif d’écrouissage. C’est au cours de ce recuit de recristallisation que peuvent apparaître de gros grains. L’adoucissement est très marqué. Sur les alliages écrouis, l’adoucissement par recristallisation augmente avec le taux d’écrouissage avant recuit. La température de recuit nécessaire pour un adoucissement identique est d’autant plus basse que le taux d’écrouissage est élevé. Un taux d’écrouissage minimal du produit est nécessaire pour éviter un grossissement anormal du grain lors des recuits de recristallisation.

Les paramètres d'écrouissage pour les alliages d'aluminium

Retrouvez l’intégralité de ce tableau en téléchargeant la version PDF :

 

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L’écrouissage critique

Pour chaque alliage, il existe une zone d’écrouissage pour laquelle le recuit risque d’entraîner un grossissement exagéré du grain défavorable pour la mise en forme et générant une altération de l’aspect de la pièce. La surface du métal après déformation peut prendre alors l’aspect inesthétique de « peau d’orange ». On définit donc la limite d’écrouissage critique inférieur (début de la zone d’écrouissage critique) et la limite d’écrouissage critique supérieur (fin de la zone d’écrouissage critique).

Lors d’un recuit, la grosseur moyenne du grain de recristallisation pour un alliage donné varie en sens inverse de l’écrouissage qui a précédé le recuit. On qualifie d’écrouissage « critique » le taux d’écrouissage pour lequel la recristallisation est rendue possible (aux conditions de recuit données). Le grain obtenu pour un écrouissage à ce taux précis est alors nommé « grain critique ».

Cette zone d’écrouissage critique est unique pour chaque matériau et dépend de nombreux facteurs: conditions de recuit, hérédité du matériau (nombre d’écrouissage/recuit subis) … Les limites d’écrouissage critique sont d’autant plus faibles que la température de recuit est élevée, à l’inverse, la grosseur du grain critique est d’autant plus importante que la température de recuit est élevée. En résumé, plus les limites sont faibles, plus la grosseur du grain critique est importante.

Facteurs influents

Certains éléments d’alliages, comme le manganèse, le zirconium ou le chrome, retardent la recristallisation, augmentent l’écrouissage critique et peuvent diminuer la grosseur du grain de recristallisation.

La vitesse de chauffage à la température de recuit a un effet important sur la grosseur du grain des alliages d’aluminium. Plus la vitesse est faible, plus le grain de recristallisation est gros.

Limitation de la grosseur des grains

Pour éviter le grossissement des grains dû à un écrouissage critique, deux moyens sont couramment utilisés :

  • Limiter l’écrouissage avant recuit à des valeurs telles que l’écrouissage critique ne soit pas atteint
  • Faire en sorte que l’écrouissage critique soit dépassé en tous points du produit pour que la texture finale soit recristallisée à grains assez fins

Ces deux moyens permettent d’éviter la zone d’écrouissage critique.

 écrouissage contrainte et allongement

Études illustrant le phénomène d’écrouissage critique

Alliages testés

L’étude a porté sur des alliages couramment utilisés industriellement :

  • 2 alliages à durcissement structural : 2017A état T4 (famille aluminium-cuivre) et 6061 état T6 (famille aluminium-magnésium-silicium)
  • 1 alliage à durcissement par écrouissage : 5083 état recuit (O) (famille aluminium-magnésium)

État T4 : alliage ayant subi une gamme de traitements thermiques composée d’une mise en solution (maintien à 500°C pendant 1 heure), suivi d’une trempe à l’eau froide (T≤ 40°C) puis d’une maturation (durée de 4 jours à température ambiante)

État T6 : alliage ayant subi une gamme de traitements thermiques composée d’une mise en solution (maintien à 535°C pendant 1 heure), suivi d’une trempe à l’eau froide (T≤ 40°C) puis d’un revenu (maintien à 185°C pendant 6 heures)

Nature des essais

Les essais ont été effectués sur des éprouvettes prismatiques de traction (à section rectangulaire) prélevées et usinées à partir d’échantillons de tôle de chaque alliage.

Différents taux d’écrouissage ont été obtenus par déformation plastique par traction des éprouvettes (caractérisée par l’allongement A{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}). Différents recuits ont été par la suite effectués sur les éprouvettes en faisant varier les paramètres temps de maintien et température de four. 

Des examens micrographiques ont ensuite été réalisés pour observer la microstructure de chaque alliage :

  • Enrobage, polissage des échantillons
  • Mise en évidence de la structure de chaque alliage après attaque métallographique
  • Observation des échantillons au microscope optique sous lumière polarisée

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Résultats des essais

La faible plasticité de l’alliage 2017A à l’état T4 n’a pas permis d’atteindre un taux d’écrouissage suffisant pour observer le grain de recristallisation critique. Afin de bénéficier du maximum de plasticité de chaque alliage, les alliages 2017A et 6061 ont été préalablement recuits avant la campagne d’essais d’écrouissage et de recuit.

  • Avec les paramètres d’essais pratiqués, aucune recristallisation n’a pu être obtenue pour l’alliage 2017A, ceci est dû en partie à la présence d’inhibiteurs de grossissement de grains et de recristallisation (fer, chrome, manganèse) dans cet alliage.
  • Pour les alliages 5083 et 6061, le taux d’écrouissage critique a été respectivement atteint pour 11{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661} et 13{1373dd200fcdbed67d8e7356551073913182d4223b749bcd5dd91b30da878661}. Il y a eu recristallisation et formation de grains critiques de grande taille.

Alliage 5083 : résultats des clichés micrographiques

analyse métallurgique après écrouissage

allongement gros grain écrouissage

Alliage 6061 : résultats des clichés micrographiques

analyse métallurgique sur alliage 6061

analyse métallurgique alliage 6061 écrouissage

 

Auteur de l’article : Hervé Gransac
Tèl. : 02 38 69 79 54

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